Date de naissance | 1er mars 1810[Z 1]?elazowa Wola, Pologne |
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Activité | Compositeur et pianiste |
Décès | 17 octobre 1849 (à 39 ans)Paris, France |
Frédéric François Chopin (en polonais : Fryderyk Franciszek Chopin ou Szopen en version phonétique) est un compositeur et pianiste virtuose, né le 1er mars 1810, à ?elazowa Wola (Pologne), et mort à Paris (France) le 17 octobre 1849.
Après sa formation au Conservatoire de Varsovie et un début de carrière en Pologne et à Vienne, il choisit d'émigrer en France où il trouve son inspiration dans l'effervescence du monde pianistique parisien et dans le souvenir de sa patrie meurtrie. Il y rencontre George Sand, qui sera sa compagne pendant neuf ans.
Reconnu comme l'un des plus grands compositeurs de musique de la période romantique, Frédéric Chopin est aussi l'un des plus célèbres pianistes du XIXe siècle. Sa musique est encore aujourd'hui l'une des plus jouées et demeure un passage indispensable à la compréhension du répertoire pianistique universel. Avec Franz Liszt, il est le père de la technique moderne de son instrument et son influence est à l'origine de toute une lignée de compositeurs tels Gabriel Fauré, Maurice Ravel, Claude Debussy, Sergueï Rachmaninov, Alexandre Scriabine.
Identité de Chopin
Le contexte historique de sa vie
- Le duché de Lorraine et la Pologne au XVIIIe siècle
En 1725, le roi de France Louis XV épouse Marie Leszczy?ska, fille de Stanislas Leszczynski, roi de Pologne de 1704 à 1709, réfugié en Lorraine (territoire relevant alors du Saint-Empire romain germanique) ; en 1737, Stanislas devient duc de Lorraine et le reste jusqu'à sa mort en 1766 ; c'est seulement à ce moment que la Lorraine devient française, peu avant qu'y naisse (1771) Nicolas Chopin, le père de Frédéric, qui quitte la France pour la Pologne en 1787, comme précepteur dans une famille noble.
- La Pologne de 1795 à 1830
En 1795, le royaume de Pologne disparaît à la suite du troisième partage entre la Russie, la Prusse et l'Autriche.
Les guerres napoléoniennes permettent en 1807 le rétablissement d'un État polonais, le Duché de Varsovie, dans lequel naît Frédéric en 1810. Mais la retraite de Russie entraîne son occupation par les Russes en 1813 et sa disparition en 1815, lors du Congrès de Vienne : la Prusse contrôle l'ouest (Grand-duché de Posen) ; la Russie l'est (royaume du Congrès), et le centre, avec Varsovie ; l'Autriche le sud (Tarnopol, Wieliczka) tandis que la République de Cracovie est soumise aux trois puissances de la Sainte Alliance.
Le royaume du Congrès, aussi appelé « royaume de Pologne », a pour souverain l'empereur de Russie (la famille Chopin est désormais ressortissante de ce royaume polonais sous contrôle russe). Le tsar Alexandre Ier lui donne une constitution relativement libérale.
- L'insurrection de novembre 1830 et ses conséquences
Le royaume vit avec une certaine autonomie jusqu'à l'avènement (1825) du tsar Nicolas 1er, tenant de l'absolutisme. En novembre 1830, débute une insurrection, qui est violemment réprimée et entraîne à la fin de 1831 la mise au pas de la Pologne russe (suppression de la constitution, etc.).
De nombreux membres de l'« armée polonaise » se réfugient à l'étranger ; plusieurs milliers vont jusqu'en France, où ils bénéficient d'une grande sympathie et de secours officiels. C'est dans ces circonstances tragiques que Frédéric Chopin arrive en France, sans être lui-même un réfugié de l'insurrection.
- La France et l'Europe de 1831 à 1849
Chopin vit en France essentiellement pendant la Monarchie de Juillet (1830-1848), ainsi qu'au début de la Seconde République (1848-1851).
En Europe, l'année 1848 est importante, puisque des soulèvements ont lieu dans de nombreux pays, en Allemagne, en Italie, en Hongrie, etc. Le XIXe siècle est en effet marqué dans toute l'Europe par le mouvement des nationalités, notamment en Pologne; durant ces années, Chopin devient une figure importante du mouvement national polonais.
La nationalité de Chopin
Frédéric Chopin est le fils de Nicolas Chopin (1771-1844), né à Marainville-sur-Madon (actuel département des Vosges) et de la Polonaise Tekla Justyna Krzy?anowska (pl) (1782-1861). Venu en Pologne au service de la comtesse Skarbek, Nicolas épouse Tekla Justyna, parente et dame d'honneur de la comtesse, en 1806.
Compte tenu du fait qu'il a un père français, la question de la « nationalité » (au sens d'appartenance étatique) de Chopin a fait l'objet d'un débat parfois passionné pour déterminer son statut officiel. Mais la nationalité peut aussi être envisagée de façon moins stricte, au sens d'identité nationale (indépendamment de l'appartenance étatique).
Une identité polonaise
Chopin se considérait, et était considéré par ses contemporains, comme un Polonais. Ses compatriotes parlent de lui comme du compositeur national polonais ; que ses amis font de même : Balzac écrit de Liszt et de Chopin : « Le Hongrois est un démon, le Polonais un ange » ; Liszt parle de l'« artiste polonais ».
Chopin a passé les vingt premières années de sa vie en Pologne. À son époque, cet élément est suffisant pour lui assurer une identité polonaise : le fait d'avoir quitté la Pologne à l'âge de 20 ans et ne plus jamais y être retourné ne modifie pas cette donnée primordiale. Alfred Cortot accorde une grande importance au rôle éducatif de sa mère : « l'influence exercée par l'atmosphère spécifiquement féminine du foyer familial, où jusque vers la treizième année, il vivra, selon la formule consacrée, dans les jupes de sa mère et de ses sœurs » .
Cependant, cette identité n'est pas seulement la conséquence d'une jeunesse polonaise et d'une convention sociale. Non seulement « Chopin, en Pologne s'est construit polonais », mais le musicien revendique fréquemment son allégeance à ce pays. L'oppression russe à partir de 1831 est ressentie par le musicien, comme « la pathétique signification d'un tourment inguérissable et d'une blessure à jamais ouverte ».
Le patriotisme douloureux de Chopin se traduit dans sa musique, comme Liszt l'avait déjà remarqué : « ... et les plaintes de la Pologne empruntaient à ces accents je ne sais quelle poésie mystérieuse, qui pour tous ceux qui l'ont véritablement sentie, ne saurait être comparée à rien... ». Si cette dimension d'exilé du musicien sarmate, comme l'appelle Robert Schumann, fréquemment évoquée par les biographes du passé, est reprise par les musicologues contemporains, elle est néanmoins interprétée différemment. Pour Eigeldinger, elle est maintenant comprise comme une nostalgie typiquement slave, une sensibilité culturelle, qui dépasse la contingence politique. Pour Liszt, Chopin « pourra être rangé au nombre des premiers musiciens qui aient aussi individualisé en eux le sens poétique d'une nation ».
La France, terre d'élection
Si l'identité polonaise de Chopin n'est jamais niée, la relation entre la France et Chopin est importante.
Un premier élément est l'origine française de son père, qui, en vertu des dispositions du Code civil, permet à Frédéric de bénéficier de la nationalité française.
D'autre part, Chopin s'installe à Paris en 1831 et va y passer près de la moitié de sa vie. La ville est, à cette époque, une des capitales culturelles du monde. Il y noue ses amours et ses amitiés les plus importantes : Sand, Delacroix, Liszt ou Pleyel. Il y rencontre le tout Paris artistique : Balzac, Berlioz, Thalberg, Kalkbrenner, Erard, Heine, et aristocratique. L'univers artistique et culturel dans lequel le compositeur a produit l'essentiel de son œuvre n'est pas la Pologne, mais la France.
Son influence est particulièrement marquée en France. Pour le musicologue Eigeldinger l'allégeance de Debussy, vis-à-vis du Maître polonais est patente. Cette influence, aussi présente chez Ravel ou Fauré, ne se limite pas à la musique : « Par là le musicien anticipe le principe verlainien : « Rien de plus cher que la chanson grise / Où l'indécis au précis se joint ». Son impressionnisme musical se retrouve en peinture : « ... en vue de produire un poudroiement sonore assez analogue à certains effets de lumière, à la fois flous et précis, dans la peinture d'un Monet ».
Universalité de Chopin
Si la sensibilité de Chopin est polonaise et se traduit par la reprise de mélodies populaires, sa langue musicale est « savante », elle participe de la « grande musique » pour reprendre une expression de Delacroix. « Chopin a su, le premier, prêter une attention fascinée aux chants et danses populaires de sa Pologne natale, sans jamais en citer intégralement la moindre phrase dans sa production. À un compatriote pour lequel il improvisait à Paris et qui croyait réentendre une berceuse de son enfance, Chopin réplique : « Cette chanson, tu ne pouvais la connaître... mais seulement l'esprit qui l'anime : l'esprit d'une mélodie polonaise ! ». Sa musique est issue d'une élaboration savante de l'harmonie et du contrepoint. Elle est avant tout aristocratique et est fort loin d'une forme populaire ou folklorique. En ce sens, le langage musical de Chopin est plus universel que polonais. Néanmoins, à part l'influence du folklore du terroir qu'il a su universaliser comme nul autre, le jeune Chopin a sans doute subi celle du prince Michal Kleofas Oginski (1765-1833) dont les 26 polonaises célèbres dans toute l'Europe de l'époque se distinguaient par l'élégance, le raffinement et la mélancolie presque mozartienne, typiques du préromantisme. À son tour, dans ses Polonaises, Chopin a su exprimer l'essence même de la « polonité » tout en lui donnant un caractère universel. C'est pourquoi Cyprian Norwid (1821-1883), le plus grand poète moderne polonais, les comparait à l'épopée grecque.
Les pères spirituels de Chopin sont nombreux, mais le musicologue Eigeldinger ne les trouve que dans le patrimoine universel et aucun n'est polonais : « Mozart était son Dieu, Séb. Bach, un des maîtres préférés recommandés à tous ses élèves ». Cette universalité des origines et de la musique de Chopin n'est pas reconnue uniquement par Eigeldinger. Cette analyse est aussi celle du poète Heine qui, dès 1837 rejoignait celle faite maintenant par la France et la Pologne : « Il n'est alors ni Polonais, ni Français, ni Allemand ; il trahit une origine bien plus haute, il descend du pays de Mozart, de Raphaël, de Goethe : sa vraie patrie est le royaume enchanté de la poésie ».
Biographie
La jeunesse en Pologne (1810-1830)
La famille
- Arbre généalogique
- Tekla Justyna Krzy?anowska (1782-1861)
Elle est originaire de la petite noblesse de Dlugie, en Cujavie. Elle a eu d'une éducation soignée, sait jouer du piano et chanter d'une voix de soprano. Orpheline, elle a été recueille par la comtesse Ludwika Skarbek, qui possède un petit domaine à ?elazowa Wola, dans le Duché de Varsovie. La comtesse est divorcée[réf. nécessaire] d'un parent de Justyna. Avant la naissance de Frédéric, la future mère y tient le rôle d'intendante, surveillant les domestiques et les fermiers.
- Nicolas Chopin (1771-1844)
C'est un fils de paysan né en Lorraine, à Marainville-sur-Madon ; son éducation a été assurée par la famille Weydlich, nobles d'origine polonaise qui rentrent dans leur pays en 1787 accompagné de l'adolescent. Émigré en Pologne dès l'âge de 16 ans et bien intégré dans son pays d'élection, Nicolas Chopin connaît une ascension sociale dans la bourgeoisie intellectuelle. De précepteur des enfants de la comtesse Ludwika Skarbek, il devient répétiteur de français, puis professeur au lycée de Varsovie et, à partir de 1820, à l'école militaire d'application.
Leur mariage a lieu à ?elazowa Wola le 2 juin 1806 où naissent Ludwika, puis Frédéric (le 1er mars 1810). Frédéric est seulement ondoyé à la naissance et n'est baptisé que le 23 avril, par le vicaire de la paroisse Saint-Roch de Brochow, Jozef Morawski, qui établit l'acte de baptême ; le même jour, le curé, Jan Duchnowski, établit l'acte de naissance, en tant que « fonctionnaire de l'état civil de la commune paroissiale de Brochow, département de Varsovie ».
La petite enfance
Ils déménagent à Varsovie quelques mois après la naissance de Frédéric. Ils habitent d'abord dans l'ancien palais de Saxe, qui abrite le lycée, et ouvrent un pensionnat pour les fils des riches familles terriennes. Deux autres filles naissent en 1811 et 1812. En 1817, la famille déménage avec la pension au palais Kazimierz, en même temps que le lycée de Varsovie.
Les parents de Frédéric achètent rapidement un piano, instrument en vogue dans la Pologne de cette époque. Sa mère y joue des danses populaires, des chansons ou des œuvres classiques d'auteurs comme le Polonais Ogi?ski. Les enfants sont initiés très tôt à la musique.
Frédéric se révèle précocement très doué. Il n'a que six ans lorsque ses parents décident de confier sa formation à un musicien tchèque, Wojciech ?ywny, violoniste qui gagne sa vie en donnant des leçons de piano chez les riches familles de Varsovie. Il a probablement été formé par un élève de Bach à Leipzig. Ce professeur est original ; il apprécie surtout Bach, alors peu connu, Mozart et Haydn, c'est-à-dire des compositeurs d'une autre époque. Il est sceptique vis-à-vis des courants contemporains comme le « style brillant » d'un Hummel, alors très en vogue. Une spécificité de ?ywny est de laisser une grande liberté à l'élève, sans imposer de méthode particulière ou de longues heures d'exercices abrutissants. Que le professeur de piano du musicien ait été un violoniste de métier fait parfois dire que « Chopin a pratiquement été autodidacte »,. Si toute sa vie, Le Clavier bien tempéré sera considéré par Chopin comme la meilleure introduction à l'étude du piano, ses premières compositions sont plus dans l'air du temps. En 1817, il compose deux polonaises inspirées des œuvres d'Ogi?ski. Le langage harmonique est encore pauvre, mais la subtilité et l'élégance, qui caractériseront plus tard les œuvres du maître, sont déjà latentes.
Comme le fait remarquer le compositeur André Boucourechliev, « les gens ne rêvent que de petits pianistes » ; à l'âge de huit ans, Frédéric a tout de l'enfant prodige. Si les comparaisons avec Mozart ne manquent pas, les situations sont néanmoins différentes car Nicolas Chopin n'a rien d'un Léopold Mozart. Frédéric se produit fréquemment dans les cercles mondains de l'aristocratie de Varsovie, « mais jamais son père n'en retirera un sou ». À huit ans, le musicien joue avec un orchestre et cette prestation est évoquée dans la presse locale. Il joue souvent devant le grand duc Constantin, frère du tsar, une fois devant la célèbre « cantatrice Catalani qui lui donna en souvenir une montre en or » et à partir de 1818 le « petit Mozart » est déjà célèbre à Varsovie. Le musicien gardera toute sa vie un goût prononcé pour la politesse et la sophistication de la vie aristocratique à laquelle il a été initié dès son plus jeune âge.
Le jeune Chopin grandit « comme dans un berceau solide et moelleux », dans une atmosphère aimante et chaleureuse où il développe un caractère doux et espiègle, sous le regard affectueux de sa mère qui, au dire de George Sand, « sera la seule passion de sa vie ».
Les années de lycée
Si la mère Justyna est une figure clé de la petite enfance de Frédéric, son père joue un rôle majeur durant les années de lycée. Nicolas lui apprend l'allemand, le français et, quand Frédéric le souhaite, il dispose dans cette langue d'un « joli coup de plume » comme en témoigne une lettre à George Sand : « Votre jardinet est tout en boules de neige, en sucre, en cygne, en fromage à la crème, en mains de Solange et en dents de Maurice ». La position sociale du père est devenue celle d'un intellectuel établi et, tous les jeudis, Frédéric voit défiler des figures intellectuelles phares du Varsovie de l'époque comme l'historien Maciejowski, le mathématicien Kolberg, le poète Brodzi?ski et les musiciens Elsner, Jawurek ou Würfel.
En 1822, ?ywny n'a plus rien à apprendre au jeune Chopin et le tchèque Würfel devient son professeur d'orgue. À l'opposé de ?ywny, ce professeur est un tenant du « style brillant » : « la musique de style brillant s'éloignait considérablement des modèles et idéaux classiques et apportait le souffle d'une esthétique et d'un goût nouveaux. Les procédés du jeu virtuose, inconnus jusqu'alors et introduits à présent... ». Elsner, directeur du Conservatoire, dans la même mouvance que Würfel, donne de temps en temps à Frédéric des cours d'harmonie et de théorie des formes musicales. Ce style fascine le jeune musicien, qui, en 1823, interprète des concertos de style brillant de Field et de Hummel dans le cadre de concerts de bienfaisance. Cette influence est aussi visible dans ses compositions, par exemple les Variations en mi majeur, composées durant ces années de lycée.
C'est à l'occasion des vacances, passées dans la campagne polonaise, que Frédéric prend conscience de la richesse du patrimoine de la musique populaire. Il passe plusieurs étés à Szafarnia en Mazovie et participe à une noce et à des fêtes des moissons. Dans ces occasions, il n'hésite pas à prendre un instrument. Il transcrit les chansons et danses populaires avec le soin et la passion d'un ethnologue. Il parcourt les villages et les bourgs des environs à la recherche de cette culture et va jusqu'à payer une paysanne pour obtenir un texte exact. Sa passion ne se limite pas à la Mazovie, puisque sa Mazurka en si bémol majeur de 1826 intègre des formules rythmiques de la région d'origine de sa mère, la Cujavie.
Selon André Boucourechliev, à travers à la fois l'intelligentsia à laquelle son père lui donne accès, la campagne populaire et l'amour maternel, « construit Polonais, Frédéric n'avait pas à hésiter sur son appartenance : pour lui, comme pour sa famille, les jeux étaient faits ». Et, comme le remarque la biographe Marie-Paule Rambeau, « c'est seulement après dix-huit ans d'exil que Frédéric dira qu'il s'est attaché aux Français comme aux siens ».
Le conservatoire
À l'automne 1826, le musicien amateur quitte le lycée pour le Conservatoire de musique de Varsovie, dirigé par Elsner et suit à l'université les cours de l'historien Bentkowski ainsi que ceux du poète Brodzi?ski. À cette époque, la querelle littéraire entre les partisans d'une esthétique classique et les romantiques fait rage à Varsovie. Le poète choisi par Frédéric représente la modernité, à l'opposé du professeur Ludwik Osi?ski. Pour Brodzi?ski, l'artiste « agit toujours mieux lorsqu'il met à profit l'inspiration, lorsqu'il se montre moins sévère envers certains écarts, ... . Qu'il laisse le sentiment se déverser et l'écarte ensuite, tel un juge froid, pour polir son œuvre, la compléter et la corriger? ». Pour Boucourechliev, « telle exactement sera la méthode de composition de Chopin - conforme à son tempérament à la fois spontané et amoureux de la perfection... ». L'influence du cours de littérature ne se limite pas à sa position sur le romantisme. Dans un pays de plus en plus bâillonné par l'autoritarisme russe, la création d'un art national est une préoccupation du poète, partagée par Elsner, ainsi que par de nombreux intellectuels polonais. Brodzi?ski précise : « ... je répète que les œuvres des génies, dépourvues de sentiments patriotiques, ne peuvent être sublimes? ».
Au conservatoire, le jeune musicien apprend la rigueur dans la composition. En 1828 Chopin écrit sa première sonate, en ut mineur. Cette obsession de maîtriser parfaitement les techniques de son art dans une œuvre monumentale conduit à des faiblesses et « tout ici l'emporte sur la spontanéité de l'inspiration qui saisit l'auditeur dans les autres œuvres du jeune compositeur. ». À la même époque, le musicien compose deux polonaises, en ré mineur et en si bémol majeur qui « expriment une envie spontanée de composer », mais « elles ont toutefois recours à des fonctions tonales très simples ». C'est néanmoins vers cette époque, que Chopin atteint sa maturité avec des œuvres comme les Variations en si bémol majeur sur le thème de Là ci darem la mano du Don Giovanni de Mozart, à l'origine d'un célèbre article de Schumann qui utilise l'expression « chapeau-bas messieurs, un génie ! ». C’est aussi dans cette période que le musicien parvient à intégrer dans des œuvres déjà matures, une sensibilité polonaise, avec par exemple un Rondeau de concert à la Krakowiak, terminé en 1828.
La maturation
- De l'adolescence à l'âge adulte
Certains sentiments affectifs, caractéristiques de la vie d'adulte de Chopin, sont déjà présents durant cette période. Les camaraderies acquises au lycée deviennent de véritables amitiés. Mais on trouve déjà, dans sa correspondance, des traces de solitude et même de nostalgie, comme le montre cette lettre écrite à Tytus Woyciechowski (pl) : « J'ai la nostalgie de tes champs, ce bouleau sous ta fenêtre ne peut me sortir de la mémoire ». Tytus Woyciechowski et Julian Fontana resteront les confidents de Chopin durant l'essentiel sa vie.
Une tragédie marque profondément son âme slave. Sa cadette Emilia, atteinte par la tuberculose, meurt en deux mois le 10 avril 1827. C'est probablement à ce moment que Frédéric contracte la maladie qui ne le quittera jamais.
Cette période est aussi celle des premiers sentiments amoureux. Lorsque le compositeur écrit à Tytus : « J'ai, peut-être pour mon malheur, trouvé mon idéal », il évoque la cantatrice débutante Constance Gladkowska, à qui il ne se déclarera jamais. Pour Boucourechliev, « rien n'est plus révélateur de sa personnalité que cette passive contemplation amoureuse ». Le musicologue se demande si cet amour sublimé « n'a pas été le plus beau des prétextes à l'essor de ce lyrisme ? et si Chopin? n?a pas entièrement admis que le seul prolongement de son amour pût se trouver dans son œuvre ».
- Les premiers concerts publics
D'autres éléments ont contribué à faire de l?enfant prodige un musicien professionnel reconnu. Varsovie propose au jeune Chopin de nombreux concerts et opéras, qu'il suit attentivement. Il entend la pianiste Maria Szymanowska, le Barbier de Séville, dont il critique violemment la représentation -- « ?J'aurai assommé Colli. Il chantait faux, cet Arlecchino italiano; il chantait faux à faire peur ! » -- ou Paganini. Cette découverte de la modernité n'est pas sans influence sur ses goûts : « Chopin veut réunir au piano les deux points les plus extrêmes de tout le jeu instrumental jusqu'à présent. Il vise à faire fusionner en un tout l'élément didactique issu de l'esprit formateur d'un Bach avec l'incandescence passionnée et le défi technique de Paganini ». Après le conservatoire, où il a pourtant appris la composition d'orchestre, Chopin devient « le seul génie musical du XIXe siècle à s'être délibérément et exclusivement consacré à son médium », le piano.
À la fin de cette période, Chopin désire donner de véritables concerts publics rémunérés. Le premier, où il improvise, a lieu le 19 décembre 1829. Le 17 mars 1830, il en donne un second avec, au programme, son Concerto en fa mineur. Chopin est déjà reconnu : le concert est donné à guichet fermé. Cinq jours plus tard, le compositeur se produit de nouveau en public, avec le même concerto et le Rondeau de concert à la Krakowiak. Le Décaméron polonais du 31 mars indique : « M. Chopin est un véritable phénomène. Tous admirent avec enthousiasme le talent exceptionnel de ce jeune virtuose, certains même voient en lui un nouveau Mozart ». Le 11 octobre de la même année, le compositeur donne un grand concert d?adieu à sa ville.
- Les premiers voyages à l'étranger
Pour Chopin, l'essentiel en effet ne se joue plus à Varsovie. En 1829, il déclare : « que m'importent les louanges locales ! Il faudrait savoir quel serait le jugement du public de Vienne et de Paris ». Depuis l'âge de 18 ans, il supporte de moins en moins le cadre étroit de Varsovie. Un premier voyage à Berlin est organisé en septembre 1828 avec le scientifique Feliks Jarocki. Mais le séjour s'avère décevant : ni concert ni rencontre intéressante. Encouragé par Elsner, il se rend une première fois à Vienne fin août 1830 et y fait fureur. Ce court voyage ne lui suffit pas. Comme au Hongrois Liszt, le métier d'artiste impose à Chopin une carrière internationale et Constance Gladkowska lui écrit : « Pour faire la couronne de ta gloire impérissable, tu abandonnes les amis chers et la famille bien-aimée. Les étrangers pourront mieux te récompenser, t'apprécier ». Ce n?est cependant pas sans appréhension qu'il quitte sa terre natale et il écrit à Tytus : « Lorsque je n'aurai plus de quoi manger, tu seras bien forcé de me prendre comme scribe à Poturzyn ».
C'est le 2 novembre 1830 que Chopin quitte la Pologne. Le musicologue Boucourechliev s'interroge : « Malgré le zèle nationaliste de ses thuriféraires polonais, poussé à l'excès (et toujours cultivé), malgré les déclarations et les pleurs sur la patrie occupée, malgré sa famille, restée la-bas, qui dut venir un jour à Karlsbad pour revoir son glorieux rejeton, Chopin ne mit jamais plus le pied en Pologne... Pourquoi cet abandon - pour ne pas dire ce refus obstiné ? »
Vienne (novembre 1830-juillet 1831)
Passé par Dresde et Prague, Chopin arrive à Vienne avec son ami Tytus le 23 novembre 1830, espérant renouer avec le succès de son précédent voyage. Les premiers jours sont heureux : il rencontre le compositeur Hummel, le facteur de pianos Graf, le médecin impérial Malfatti, dont l'épouse est polonaise ; il assiste à plusieurs opéras.
Plusieurs éléments concourent ensuite à rendre la vie du musicien difficile, en particulier l'évolution politique en Pologne. L'agitation révolutionnaire, après la France en juillet) et la Belgique en octobre, atteint la Pologne qui se révolte contre la tutelle russe : l'insurrection débute le 29 novembre. Tytus quitte Chopin pour la rejoindre ; le virtuose se trouve en proie à une solitude, mêlée d'un sentiment d'impuissance patriotique poussé à son paroxysme. Les Autrichiens ne sont guère favorables aux Polonais : « il n'y a rien à tirer de la Pologne qui sème le « désordre » ».
De plus, les Viennois, sous le charme des valses de Strauss, sont insensibles à la poésie du Sarmate. Il ne faut pas moins de sept mois passés à Vienne pour que Chopin puisse participer à un concert, sans rémunération (le 11 juin 1831). La critique loue ses qualités de virtuose, mais reste sceptique vis-à-vis de son Concerto pour piano et orchestre no 1 en mi mineur : « L'œuvre ne représentait rien de singulier, mais le jeu de l’artiste fut unanimement loué ».
La reconnaissance du public n'est pas au rendez-vous avec Chopin, « Mais il s'était attelé à une tâche immense qui lui tint lieu de succès public : c’étaient les Études op. 10, conçues pour la plupart à Vienne, et le début de celles de l?op. 25, chefs-d’œuvre d'un artiste de vingt et un ans ». Pour créer son propre univers sonore dans cette œuvre didactique, le musicien s'inspire de Bach pour les deux premières études et de Mozart pour l'Étude no 6.
Dégoûté et à court d'argent, Chopin quitte Vienne le 20 juillet 1831 pour tenter sa chance à Paris. L'ambassade russe à Vienne a d'abord refusé un passeport pour la France, puis en accorde un « pour Londres, via Paris ». Le voyage se fait par Salzbourg, Munich, où il donne un concert, et Stuttgart où il séjourne début septembre. C'est là que, le 8, il apprend la nouvelle de la chute de Varsovie, sans savoir ce qu'il advient de sa famille. Cette situation n'est pas sans influence sur l'artiste : « Le Journal, tenu alors par Chopin à Stuttgart, serait-il un commentaire verbal de l’Étude - no 10 - : « Ô Dieu, Tu es là ? - Tu es là et Tu ne Te venges pas ! - Pour Toi, il n'y a pas encore assez de crimes moscovites - ou bien - ou bien Tu es moscovite toi-même. » ».
Paris (1831 - 1838)
L'intégration
Arrivé à Paris en septembre 1831, Chopin s'installe dans le quartier bohème et artiste, au 27 du boulevard Poissonnière.
- L'intégration politique
Le contexte politique parisien est favorable à la cause polonaise. De nombreux émigrés ont rejoint cette capitale et les plus importants forment une communauté que fréquente le musicien dans les salons de l'Hôtel Lambert, dans l'Île de la Cité ; il devient aussi membre de la Société littéraire polonaise et donnera même en 1835 un concert de bienfaisance au profit des réfugiés. Il n?est cependant pas vraiment militant et le tapage des manifestations le dérange : « Je ne puis te dire la désagréable impression que m?ont produite les voix horribles de ces émeutiers et de cette cohue mécontente ».
- L'intégration sociale
Les Polonais le lancent dans la capitale ; le musicien donne des leçons de piano à la comtesse Potocka, et grâce à son aide et à celle de Valentin Radziwill, il devient le professeur de piano « élégant » de l'aristocratie polonaise en exil et des milieux parisiens les plus fermés. Dès mars 1832, il déménage dans la petite cité Bergère, plus calme et plus adaptée. Cette activité, à laquelle il consacre le quart de son existence, est bien rémunérée (il prend vingt francs-or de l'heure), et lui assure l'aisance matérielle. Elle lui ouvre aussi la porte du monde aristocratique, qui l'accueille comme un ami et où il se sent bien : « Je fais partie de la plus haute société, j'ai ma place marquée au milieu d'ambassadeurs, de princes, de ministre, [?] Et cependant c'est là aujourd'hui une condition presque indispensable de mon existence ; car c'est d'en haut que nous vient le bon goût ». En 1836, il déménage au 38, rue de la Chaussée d'Antin, « la vitrine du nouveau régime où l'aristocratie de l'argent remplaçait celle des titres ».
- L'intégration artistique
Durant cette période qui suit la bataille d'Hernani, les romantiques sont actifs dans tous les domaines. Victor Hugo écrit Notre-Dame de Paris (1831), Le roi s'amuse (1832) et Balzac écrit ses œuvres majeures, tandis que Delacroix innove et traduit le romantisme en peinture. En musique, Berlioz est le chef de file des romantiques. Dans ce domaine, la première place est néanmoins tenue par l?art lyrique, avec pour vedette Rossini. Le piano est pratiqué par les plus grands virtuoses : Liszt et Kalkbrenner habitent la capitale. Avec d?autres brillants interprètes comme Hiller, Herz ou Pleyel, ils font de Paris la capitale du monde pianistique.
Chopin y est, dans un premier temps, un auditeur infatigable. Il découvre Le Barbier de Séville, l'italienne à Alger, Fra Diavolo ou encore Robert le Diable, qui le laisse bouleversé : « Je doute qu'on ait atteint jamais au théâtre, le degré de magnificence auquel est parvenu Robert le Diable ». Le musicien rencontre rapidement Kalkbrenner et son admiration n'a pas de mesure : « Tu ne saurais croire comme j'étais curieux de Herz, de Liszt, de Hiller, etc. Ce sont tous des zéros en comparaison de Kalkbrenner ». Cette rencontre lui permet de donner un premier concert le 26 février 1832. Il ne fait pas salle comble et le public est surtout formé par des Polonais, mais la critique n'est pas mauvaise. François-Joseph Fétis écrit dans la Revue Musicale : Son « Concerto a causé autant d'étonnement que de plaisir à son auditoire, [?] Trop de luxe dans les modulations, du désordre dans l'enchaînement des phrases? ». Il se produit de nouveau les 20 et 26 mai et la critique devient plus élogieuse : « Monsieur Chopin est un très jeune pianiste qui, à mon avis, deviendra très célèbre avec le temps, surtout comme compositeur ». Cette période est riche en concerts donnés par le musicien. Si, en 1833 le compositeur-pianiste est encore un soliste étranger dans la capitale, l'année 1834 est celle de la transition et lors de son concert du 25 décembre, il est devenu, pour la critique spécialisée, l'égal des plus grands.
Amitiés
Dans son livre Soixante ans de souvenirs, Ernest Legouvé indique : « Je ne puis mieux définir Chopin, en disant que c'était une trinité charmante. Il y avait entre sa personne, son jeu et ses ouvrages un tel accord? ». Chacune des composantes de cette trinité est un sésame qui ouvre au musicien la porte à des amitiés qu'il gardera parfois toute sa vie.
Depuis son plus jeune âge, le polonais fréquente l'aristocratie. Il a intériorisé ses règles, sa politesse et son savoir vivre : « le soin et la recherche de sa toilette faisaient comprendre l'élégance toute mondaine de certaines parties de ses œuvres ; il me faisait l'effet d'un fils naturel de Weber et d'une duchesse? ». L'amitié entre la comtesse Delphine Potocka, réputée très belle riche et protectrice, et le musicien est fondée sur un sentiment de respect et d'estime mutuel. Cette affinité entre le musicien et le milieu aristocratique favorise une expression de la dimension artistique de Chopin dans les salons : « Sans qu'on puisse étiqueter Chopin comme compositeur de salon [?], c'est pourtant le salon parisien dans ce qu'il a de meilleur sous Louis-Philippe qui représente par excellence le lieu et les milieux où il a rencontré la plus vive adhésion ». Comme bien d'autres, le marquis de Custine est sous le charme : « Je lui avais donné pour thème le Ranz des vaches et la Marseillaise. Vous dire le parti qu?il a tiré de cette épopée musicale, est impossible. On voyait le peuple de pasteurs fuir devant le peuple conquérant. C'était sublime ». La mondanité de Chopin est à l?origine d?un stéréotype : « le poète décadent des chloroses et des névroses » ou encore « l'incarnation du rubato, favori des jeunes filles de pensionnats », même si le public des salons n'est pas toujours victime de cette interprétation facile.
L’homme du monde est indissociable du virtuose. Le quasi autodidacte a développé dans son enfance une technique propre dont la concentration auditive et la décontraction musculaire sont les postulats. Cette virtuosité, si différente des puissantes interprétations d’un Liszt, subjugue l'univers pianistique parisien et en premier lieu Kalkbrenner. Liszt et Hiller tombent rapidement sous le charme : « Personne n'a jamais mû de la sorte les touches d’un piano ; personne n'a su en tirer les mêmes sonorités, nuancées à l'infini ». Ce touché unique est à l'origine d'une amitié profonde avec le virtuose fabriquant de pianos Camille Pleyel. Le virtuose précise : « Quand je suis mal disposé [?], je joue sur un piano d'Erard et j'y trouve facilement un son tout fait ; mais, quand je me sens en verve et assez fort pour trouver mon propre son à moi, il me faut un piano de Pleyel ». Pleyel ne se remettra jamais totalement de la mort de son ami.
Chopin est aussi un compositeur et « Liszt s’enthousiasma avant tout pour les œuvres de Chopin : mieux que quiconque, il comprit leur nouveauté et leur originalité, et devint aussitôt un de ses fervents admirateurs ». Durant cette époque, où la guerre entre les classiques et les romantiques est ouverte, Chopin est de plain-pied dans la modernité. Berlioz, qui comprend sa musique alors que Chopin ne comprend pas la sienne, se lie d'amitié avec le poète sarmate. Avec Liszt, Mendelssohn et Hiller, ces deux compositeurs forment la tête de pont du romantisme musical parisien. Ils se rencontrent fréquemment dans une ambiance informelle, comme le montre ce petit mot de Berlioz « Chopinetto mio, si fa una villegiatura da noi, a Montmartre rue St. Denis ; spero che Hiller, Liszt e de Vigny seront accompagnés de Chopin. Énorme bêtise, tant pis. HB ». D'autres artistes, de passage à Paris, se lient d'amitié avec le Sarmate. Schumann lui voue une admiration sans limite et « On sait que Bellini et Chopin, écrivait Schumann, étaient amis et que, se communiquant souvent leurs compositions, ils ne sont pas demeurés sans influence artistique l'un sur l'autre ». Les amitiés artistiques de Chopin dépassent le cadre de la musique. Delacroix devient l'un de ses plus proches amis en 1835 : « J’ai des tête-à-tête à perte de vue avec Chopin, que j’aime beaucoup, et qui est un homme d’une distinction rare : c’est le plus vrai artiste que j’aie rencontré. Il est de ceux, en petit nombre, qu’on peut admirer et estimer ». Balzac est aussi un admirateur : « Il trouva des thèmes sublimes sur lesquels il broda des caprices exécutés tantôt avec la douleur et la perfection raphaélesque de Chopin, tantôt avec la fougue et le grandiose dantesque de Liszt, les deux organisations musicales qui se rapprochent le plus de celle de Paganini. L'exécution, arrivée à ce degré de perfection, met en apparence l'exécutant à la hauteur du poète, il est au compositeur ce que l'acteur est à l'auteur, un divin traducteur des choses divines ».
Les fiançailles avec Maria Wodzi?ska
Cette période est marquée par un épisode sentimental, qui rappelle celui qu'il a vécu avec Constance Gladkowska, mais qui est, selon Boucourechliev, bien moins important que les amitiés nouées à cette époque.
Entre 1831 et 1835, Chopin, aux yeux de la loi française, est un Polonais résidant à Paris, avec un permis de séjour précisant qu'il a quitté la Pologne avant l'insurrection et qu'il est de père français. À partir de 1835, il obtient la nationalité française à part entière, et est déclaré de père et de mère française. À la différence des Polonais, il n'a plus besoin d'entrer en communication avec l'administration russe pour voyager ailleurs qu'en Pologne.
En août 1835, il se rend à Karlsbad où sa famille est venue en cure : « Notre joie est indescriptible ! Nous nous embrassons et nous nous embrassons. Que pourrait-on faire de mieux ? », écrit le compositeur. À la suite de ces retrouvailles polonaises, Chopin rejoint à Dresde la famille Wodzi?ski, dont les fils étaient ses camarades de jeux à la pension de ses parents. Le musicien tombe amoureux de leur jeune sœur de seize ans, Marie. « Elle n'était point une beauté » mais, malgré son jeune âge, elle a déjà séduit le poète Juliusz S?owacki, ainsi que le comte de Montigny. Au bout d'une semaine, Chopin quitte les Wodzi?ski et un amour inavoué et épistolaire, que Boucourechliev qualifie d?imaginaire, se développe. L’année suivante, Chopin retrouve la jeune fille à Marienbad. La veille de son départ, Chopin finit par demander sa main. Marie accepte, mais se soumet à la décision de sa mère ; celle-ci ne s'oppose pas catégoriquement, tout en exigeant le secret. Pour Boucourechliev, « le reste est hypocrisie épistolaire de la mère, acceptation passive de ses atermoiements par sa fille » : cela se termine par une rupture en mars 1837. Il conclut : « on ne peut s'empêcher de la comparer à une autre fille, sensiblement du même âge, qui vivait non loin, à Leipzig, et qui se sera battue de toutes ses forces pour s'unir à l?homme qu?elle aimait : Clara Wieck, bientôt l'épouse de Schumann ».
Cette période de son existence est finalement la plus sereine du maître polonais. Il apprécie une vie mondaine qui n'est pas sans conséquence sur son activité de compositeur. Marie ne lui inspire « rien qu'une petite valse, écrite à la va-vite en des temps plutôt heureux », celle en la bémol majeur op. 69. Pour le reste, il termine son cahier d'Études op. 25, quelques Nocturnes, la première Ballade, une vingtaine de Mazurkas, deux Polonaises et cinq Valses : un travail léger et brillant, coloré d'insouciance.
Paris (1838 - 1848)
La carrière musicale
Au cours de ces années, Chopin donne peu de concerts, mais a de nombreuses représentations pianistiques dans différents contextes.
Il convient tout d'abord de mentionner l'hommage rendu en avril 1839, à Marseille, au ténor Adolphe Nourrit, décédé le mois précédent en Italie. Lors de la messe de requiem célébrée pour le défunt, Chopin joue à l'orgue de Notre-Dame du Mont Les Astres, un lied de Franz Schubert.
Au mois d'octobre de la même année, le roi Louis-Philippe, curieux d’entendre le Polonais, l'invite avec le pianiste Ignaz Moscheles à Saint-Cloud. En présence du roi, de la reine Marie-Amélie, de madame Adélaïde et de la duchesse d'Orléans, épouse de Ferdinand-Philippe d'Orléans (1810-1842), le fils aîné du roi, Chopin joue avec Moscheles ses Études, ses Nocturnes et une sonate à quatre mains de Mozart. Plus qu'un succès, c'est un véritable triomphe.
Au printemps 1841, Chopin donne, de nouveau chez Pleyel, un concert magistral que Franz Liszt (avec qui il domine maintenant le Paris pianistique de l'époque) commente le lendemain dans la Gazette musicale. Occupé par d'autres activités et n’appréciant pas, contrairement à Liszt, de jouer en public, il ne donnera pas de concerts dans les années suivantes. Il préfère jouer pour ses amis au cours des nombreuses soirées passées à son appartement de la rue Pigalle. Parmi les invités et musiciens de ces concerts privés, se trouvent Sainte-Beuve, Mickiewicz, Marie Poznanska, Delacroix, Berlioz, ainsi que nombre d'exilés polonais. Des témoignages sur ces concerts privés, joués à la faible lueur de bougies dans le coin sombre du petit salon, sont parvenus jusqu'à nous : « Ses regards s’animaient d'un éclat fébrile, ses lèvres s'empourpraient d'un rouge sanglant, son souffle devenait plus court. Il sentait, nous sentions que quelque chose de sa vie s'écoulait avec les sons ».
Son ultime concert à Paris, un immense succès malgré son état d'affaiblissement, a lieu le 16 février 1848 ; d'après les nombreux commentaires de ce moment historique, il s'agit d'un instant fabuleux.
La relation avec George Sand
De 1836 à 1847, il est le compagnon de l'écrivain George Sand (pseudonyme d'Aurore Dupin, baronne Dudevant). Ils mènent ensemble une vie mondaine, nourris d'une admiration réciproque.
En novembre 1838, ils partent séjourner à Majorque avec les deux enfants de George Sand, Solange et Maurice. Après un début de séjour très agréable dans une villa, Frédéric est atteint d'une bronchite à l'arrivée de l'hiver et les médecins s'aperçoivent qu'il est tuberculeux ; ils doivent quitter la villa et se réfugient dans de mauvaises conditions au monastère de Valldemossa ; il y compose, entre autres, son cycle des 24 Préludes, op. 28 et sa 2e Ballade, mais sa santé se dégrade considérablement malgré les soins et le dévouement de Sand. Ils rentrent en France avant la date prévue à l'origine et séjournent un moment à Marseille, au moment où le corps d'Adolphe Nourrit y arrive de Naples (cf. supra, concert d'avril 1839). Il retrouve une meilleure santé ; en mai, ils vont passer quelques jours à Gênes, puis rentrent à Nohant (Indre), où se trouve la résidence de campagne de George Sand, non loin de La Châtre
De 1839 à 1846, ils séjournent souvent à Nohant. C'est une période heureuse pour Chopin qui y compose quelques-unes de ses plus belles œuvres : la Polonaise héroïque, op. 53, la 4e Ballade, la Barcarolle, op. 60, les dernières Valses?
Mais, au mois de juillet 1847, le couple qui, depuis un certain temps, ne connaissait plus la passion des débuts, se sépare définitivement, Chopin ayant pris le parti de Solange dans un conflit familial au sujet de son mariage avec le sculpteur Auguste Clésinger. Il ne reverra George Sand qu'une seule fois, par hasard, en avril 1848, mais restera jusqu'à la fin de sa vie très proche de Solange et de son mari.
L'affaiblissement de l'homme
À partir de 1842, Chopin, dont l'état de santé va en s'aggravant, subit coup sur coup trois chocs importants. Au printemps 1842, Jan Matuszy?ski, son ami d'enfance, décède des suites de la tuberculose. Puis c'est l'annonce de la mort de Wojciech ?ywny, son premier professeur de musique, resté un ami de ses parents ; c'est enfin, au mois de mai 1844, son père qui s'éteint à Varsovie. Avant de mourir, il a demandé avec insistance à ses proches de faire ouvrir son corps avant de l'inhumer, de peur de subir le sort de ceux qui se réveillent dans leur tombe. Cette préoccupation hantera également Chopin à la fin de sa vie.
La dépression de Chopin à cette époque est inquiétante ; il écrit pourtant aux siens pour essayer de les rassurer : « J'ai déjà survécu à tant de gens plus jeunes et plus forts que moi qu'il me semble être éternel? Ne vous inquiétez jamais de moi : Dieu étend sur moi sa grâce ».
Les hivers qui suivent sont de plus en plus difficiles à supporter. Les écrits de George Sand montrent que Chopin décline de façon évidente? Entre la grippe qui l'abat pendant l'hiver 1845 et le printemps 1846, et la phtisie qui progresse, le musicien est de plus en plus affaibli.
Les deux dernières années
Après la rupture douloureuse avec George Sand en 1847, son état de santé se dégrade rapidement. Il fait tout de même une dernière tournée de sept mois en Angleterre et en Écosse, organisée par son élève Jane Stirling. Ce voyage est pour lui épuisant physiquement et moralement.
Chopin arrive à Londres le 20 avril 1848 ; la forte pollution par le charbon de cette ville n'est pas favorable à son état de santé. Il a malgré tout la joie de rencontrer Charles Dickens et peut jouer pour des aristocrates anglais, notamment chez lord Falmouth le 7 juillet, et même devant la reine Victoria, ce qui lui apporte une grande renommée outre-Manche.
Malheureusement, ce voyage et ces représentations à répétition le fatiguent énormément. Il se sent oppressé par la foule et les applaudissements : « Elles finiront par m'étouffer par leur gentillesse et moi, par gentillesse, je les laisserai faire ».
Il rentre à Paris gravement malade et dans une situation financière exécrable, sa maladie entraînant de nombreux frais. Malgré son état de santé, il continue à donner des leçons, le plus souvent allongé sur le sofa près du piano, et à passer du temps avec ses amis, notamment Delacroix. Lorsqu'il entre dans la dernière phase de la tuberculose, à la suite d'une grave hémoptysie qui l'a terrassé fin juin 1849, sa sœur aînée Ludwika accourt auprès de lui pour le soutenir dans ces moments difficiles.
Chopin meurt quelques semaines plus tard, le 17 octobre 1849, au 12 place Vendôme, à l'âge de 39 ans. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise, après une cérémonie à la Madeleine, aux sons de sa célèbre marche funèbre. Sa tombe est ornée d'une statue d'Auguste Clésinger, mari de Solange Dudevant, fille de George Sand. Conformément à ses dernières volontés, Ludwika ramène à Varsovie son cœur qui se trouve actuellement dans un cénotaphe encastré dans un pilier de l'église Sainte-Croix. Il reproduit ainsi la tradition capétienne de la bipartition du corps (dilaceratio corporis, « division du corps » entre cœur et ossements) et de la double sépulture.
Liszt : « Chopin a passé parmi nous comme un fantôme ».
Portrait : l’homme
Un homme à la santé fragile
Chopin ne connut jamais la pleine santé. De nature valétudinaire, son état général était en permanence altéré et la fin de sa vie ne fut qu’une descente progressive vers la mort, les hivers se faisant sentir de plus en plus et chaque petite maladie l'affectant davantage. La médecine étant ce qu'elle était à cette époque, de nombreuses méthodes de guérison avaient été essayées par le musicien. Ainsi, nous savons qu'il absorbait quelques gouttes d’opium dans un verre d’eau et frictionnait ses tempes avec de l’eau de Cologne dès que son état risquait de s'aggraver.
En 1844, pour le faire sortir de la dépression qu?il manifestait à la suite du décès de son père qui avait suivi celui de son ami d'enfance Matuszynski, George Sand décida d’inviter en France la sœur aînée de Chopin, Ludwika J?drzejewicz, qui fit le voyage avec son mari. George Sand écrivit donc à Ludwika pour l’avertir de l’état de santé fragile de son frère : « Vous allez trouver mon cher enfant bien chétif et bien changé depuis le temps que vous ne l’avez vu, mais ne soyez pourtant pas trop effrayés de sa santé. Elle se maintient sans altération générale depuis six ans que je le vois tous les jours. Une quinte de toux assez forte, tous les matins ; deux ou trois crises considérables et durant chacune deux ou trois jours seulement, tous les hivers ; quelques souffrances névralgiques, de temps à autre, voilà son état régulier? ». Chaque hiver est une épreuve pour le musicien. Chopin, écrivant à sa famille en automne 1846, l’expose : « L’hiver ne s’annonce pas mauvais, et en me soignant quelque peu il passera comme le précédent, et grâce à Dieu pas plus mal. Combien de personnes vont plus mal que moi ! Il est vrai que beaucoup vont mieux, mais à celles-là je ne pense pas ».
Les qualificatifs que George Sand utilise dans ses écrits pour désigner Chopin sont révélateurs à la fois de l’état de santé du musicien, mais aussi de la dégradation de la relation entre les deux artistes : « Mon cher malade » puis « mon petit souffreteux » jusqu’à « mon cher cadavre ». À eux seuls, les soucis affichés, dans une lettre de George Sand au comte Grzymala le 12 mai 1847, sur le caractère « transportable ou non » de Chopin au moment du mariage de Solange, témoignent de son état de santé très dégradé dans les dernières années de sa vie.
En juin 2008, des scientifiques polonais de renom, dont le professeur Wojciech Cichy, spécialiste de la mucoviscidose, ont émis l'hypothèse qu'il ait pu mourir de cette maladie. À l'appui de leur thèse, l'état de faiblesse depuis son enfance, avec des infections pulmonaires et des toux, une maigreur à l'âge adulte et un décès avant la quarantaine, comme la plupart des personnes atteintes de mucoviscidose. De plus, à notre connaissance, malgré des relations féminines durables, il n'eut pas d'enfant, donc une possible stérilité, autre symptôme de cette maladie. Ces scientifiques souhaitent pouvoir faire une analyse ADN du cœur de Chopin conservé dans du cognac dans une urne de cristal, dans l'église Sainte-Croix de Varsovie.
Des amours difficiles
Chopin écrivait à Fontana quelques mois avant de mourir : « Le seul malheur consiste en ceci : que nous sortons de l’atelier d’un maître célèbre, quelque stradivarius sui generis, qui n’est plus là pour nous raccommoder. Des mains habiles ne savent pas tirer de nous des sons nouveaux, et nous refoulons au fond de nous-mêmes ce que personne ne sait tirer, faute d’un luthier ». »
La relation avec George Sand
La rencontre
Les deux artistes se rencontrèrent pour la première fois à la demande de George Sand, dans le courant de l’été 1836, à l’hôtel de France de la rue Laffitte. De ce premier contact, Chopin dit le soir même à son ami Hiller : « Quelle femme antipathique que cette Sand ! Est-ce vraiment bien une femme ? Je suis prêt à en douter ». » Par la suite, Chopin et San
Top Titres
1 | Chopin: Nocturne No. 20 in C-Sharp Minor, Op. posth. | |
2 | Nocturne No. 2 in E-flat major, Op. 9 No. 2 | |
3 | Ballade No. 1 in G Minor, Op. 23 | |
4 | Prélude in E Minor, Op. 28, No. 4 | |
5 | Nocturne en mi bémol majeur opus 9 n°2: Ballade en Sol Mineur No.1 |
6 | Nocturne No. 19 in E Minor, op. 72, no. 1 | |
7 | Minute Waltz | |
8 | Nocturne No.1 in B flat minor, Op.9 No.1 | |
9 | Nocturne No.2 in E flat, Op.9 No.2 | |
10 | Nocturne No. 1 in B flat minor, Op. 9 No. 1 |